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Racisme Inconscient et Systémique

Racisme Systémique et Biais Insconscients

Le changement commence par soi-même

Dans l'actualité récente, il a beaucoup été question dans les médias de racisme au Québec. Récemment, nous avons beaucoup entendu parlé du profilage racial que vivent plusieurs personnes racisées (des personnes de couleur) auprès des autorités policières. Nous avons aussi vécu le 5e anniversaire de l'attentat meurtrier à la Grande Mosquée de Sainte-Foy, nous rappellant que des gestes violents de racisme arrivent ici-même au Québec. Cet été, nous avons appris la découverte de tombes non-identifiées de milliers d'enfants autochtones, victimes des pensionnats canadiens d'assimilation. L'année dernière, nous avons aussi vu le cas de maltraitance policière de M. Camara à Montréal et les audiences publiques sur la mort tragique de Joyce Echaquan, victime de racisme et de maltraitance dans un hôpital publique québécois. Ces événements sont pénibles à constater pour toutes personnes qui désirent une plus grande justice et équité au Québec. Du même coup, c'est une grande opportunité collective et individuelle qui s'offre à nous présentement de grandir, soigner des blessures et rétablir des liens dans la société québécoise et planétaire.

Une dimension importante est cependant largement évacuée dans le débat et c'est ce que je souhaite aujourd'hui vous soumettre afin de contribuer positivement à ce processus de société. En concentrant presque toute la discussion sur le côté systémique du racisme, on manque en partie le fond de la question, on en fait une chose extérieure à notre propre pouvoir de changement. Oui, le racisme systémique existe et il est important d'en parler pour changer nos structures, mais pour amener des changements durables dans notre société et notre culture, il est primordial que chacun de nous considère ses propres pensées, actions et croyances. Nous avons tous un rôle à jouer dans cette évolution, vous et moi, personnes de toutes âges et provenances, vivant en milieu urbain et rural.

Racisme systémique

Le racisme systémique est une forme de discrimination subtile et inconsciente qui affecte les relations de personnes racisées avec la sphère publique (emploi, police, services gouvernementaux, santé, etc.). Le racisme systémique est ancré dans des pratiques et des habitudes ( provenant de croyances inconscientes) qui ont une tendance lourde à avantager la majorité dominante. Ici au Québec, les personnes blanches, dont je fais partie, sont le groupe dominant, le groupe qui influence le plus les pratiques et les privilèges. Par exemple, le fait qu'une personne ayant un nom à sonorité africaine (Traoré ou Abaka) a beaucoup moins de chance d'obtenir un emploi qu'un nom à sonorité québécoise traditionnelle (un Tremblay ou Perreault par exemple) démontre bien la notion de privilège et de ce racisme inconscient institutionnalisé qu'est le racisme systémique. Le fait qu'une personne noire se fait contrôler davantage par la police que des blancs démontre aussi ce racisme systémique inconscient.

Mais comment changer le système, peut-on simplement rajouter, des lois, des formulaires et des cases à cocher pour tous les fonctionnaires ! Est-ce simplement une question technique comme le laisse souvent croire les politiciens ? La réponse est non, pas pour un changement profond durable de nos relations entre nous et avec tout le vivant autour de nous.

Le racisme ouvertement dénigrant aussi existe encore aujourd'hui, par exemple, on sait que des personnes noires se font encore malheureusement traiter du mot en N dans différents lieux. Pensons à la tuerie à la Mosquée de Sainte-Foy. Nous devons faire tout le possible pour empêcher ce racisme grossier, mais nous ne devons pas nous dérober du racisme inconscient – biais inconscients qui est également dévastateur...à petit feu.

Les biais inconscients (racisme inconcient)

Les biais inconscients, sont des croyances dont nous n'avons pas connaissance. Nous ne savons pas que nous avons ces croyance sou habitudes. Ces biais sont subtiles et plus difficiles à débusquer car il font partie de nos habitudes de pensées et d'actions, c'est pour cela que c'est difficile à changer! Les biais ou racisme inconscient est bien différent d'un racisme ouvertement dénigrant des groupes d'extrême droite ou de personnes intolérantes contre les noirs par exemple.


Bien que nous soyons tous bien intentionnés et « pas raciste » nous devons tous examiner nos croyances et habitudes héritées de notre éducation, notre héritage et notre génétique même ! Il est prouvé par certaines études académiques reconnues, que nous avons tous une tendance naturelle à favoriser les personnes de notre groupe éthique. C'est un réflexe que nous héritons de nos ancêtres millénaires primitifs et guerriers pour qui cela représentait une question de survie, de rapidement s'éloigner ou combattre les personnes ayant une apparence différente. J'ose croire que nous sommes rendus ailleurs dans nos ambitions de relations entre ethnies au Québec, ou du moins que ce soit notre intention !

Au lieu d'être sur la défensive tout de suite en disant : "Moi je ne suis pas raciste, ça me regarde pas" je vous invite à rester ouverts et curieux; c'est ce qui est nécessaire pour commencer ce changement. Oser explorer nos propres biais ne fait pas de nous des racistes ou de mauvaises personnes.  Cela fait de nous des êtres humains, produits de la culture ( éducation, médias, etc), de nos expériences, de nos relations et même de nos gènes. Pour aller vers les autres avec plus de conscience, nous pouvons faire un travail de réflexion, de discernement et de bienveillance pour examiner nos propres biais et aussi pour entamer des dialogues sains et constructifs. Oui, c'est exigeant, car pour accepter de voir ses propres biais (pensées inconscientes), il faut être humble et reconnaître qu'on n’est pas aussi "pure" qu'on le pensait. Il faut premièrement accepter qu'il y a des choses en soi dont on ne se rend pas compte... c'est normal car c'est inconscient !  Il faut oser se demander... quels sont mes petits préjugés que je ne me suis jamais avoué à moi-même ... sont là et peuvent ressortir à un moment ou un autre...mais surtout en moments de stress... quand on s'y attend. Vous ne pensez pas que ça existe...demandez à mon ami Joëlle (Camerounais) comment il se sent quand on lui dit le sourire au lèvre, tout bonnement dans l'autobus lorsqu'il offre son siège, « pour une personne, toi tu es gentil» Ouch !

Je vous donne 2 exemples de situation de biais inconscients. Le premier parle de moi-même. Il y a quelques temps, j'ai commencé une rencontre zoom avec un groupe, dont une jeune femme avec une apparence que je ne décrirai pas, mais qui m'a tout de suite amené des pensées et des jugements. Tout de suite la pensée m'est venue, « bon, je vais encore être pris avec une jeune femme empotée, gênée qui ne prend pas sa place et qui n'a jamais rien vécue et qui n'aura rien à apporter.. ». Ce jugement m'est venu simplement en regardant son allure et me référant à quelques stéréotypes et à des croyances sur des personnes avec une certaine apparence. Quand j'ai écouté et parlé à cette jeune femme j'ai vu mon biais préliminaire tellement faux, elle était tout le contraire! Ces biais auraient pu avoir des répercussions si c'est moi avait fait son embauche ou si je n'avais pas pris le temps de la connaître avant de commencer à travailler avec elle sur mon équipe.

2e Exemple : Dans le passé, une collègue à moi me dit à propos d'une personne noire « Aille celui-là il pourrait bien repartir dans son pays ». J'ai été choqué par cette affirmation...mais comment réagir pour ne par m'aliéner la relation et le bon climat de travail ? J'ai pris un moment pour reprendre un calme. J'ai ensuite dit : «  J'aimerais te parler de quelque chose que tu as dit tantôt qui est un peu délicat, je veux t'en parler car notre relation est importante pour moi. J'ai été surpris et un mal à l'aise par rapport à ce que tu as dit tantôt, ( j'ai redit la citation exacte), car j'aimerais mieux qu'on parle de la personne et ses comportements sans faire de lien avec d'où elle vient ou qu'elle ne soit pas chez elle à cause de la couleur de sa peau. Je te dis ça car j'aimerais qu'on puisse en discuter...ça te fait quoi que je te dise ça ? » Et un échange a eu lieu...un échange parfois inconfortable, mais où au final la personne, ne voulait en rien être raciste envers les noirs, mais c'était sa façon d'indiquer son désaccord avec le comportement de cette personne....c'était son biais inconscient de tout de suite référer comme étrangère cette personne. Ce qui est formidable de cette situation, c'est que ça nous a rapproché ma collègue et moi. Je crois qu'elle a aimée ma volonté à prendre la peine et le courage de parler de cette situation avec elle, pour ne pas qu'un faussé se créé entre moi et elle si je n'avais rien dit. J'ai d'ailleurs vu ma collègue à plusieurs reprises faire preuve d'ouverture et de bienveillance pour des personnes racisées dans notre organisation...cette personne ouverte a peut-être réalisé un biais de par cette conversation.


Ces exemples aident à souligner l'importance dans ce processus d'être bienveillant envers soi-même et ceux autour de nous. Le sentiment de culpabilité ou même attaquer les autres sans pitié nous avance en rien au contraire, c'est contre-productif. Soyons curieux et bienveillants envers nous-mêmes et envers ceux autour de nous qui apprennent. Les moyens justifient la fin!

Très souvent, ce sont les petits gestes que l'on ne fait pas qui font mal, qui créent de la division ou de la discrimination. Quand on se tait, quand on refuse d'examiner nos propres croyances; quand on ne s'intéresse pas aux autres; quand on évite des discussions entre amis, avec la famille ou les collègues, quand on garde nos distances dans la rue, dans l'autobus, quand on reste avec ceux qui sont semblables à nous, sans curiosité pour l'autre...quand on traite "l'autre différemment" de notre camarade qui nous ressemble... on reste dans le statu quo et cela fait mal...

La curiosité est la clé de ce processus. Voici des suggestions de différentes réflexions que vous pouvez avoir seul ou avec d'autres...ou même dans le feu de l'action !

  • Est-ce que je porte ou ai déjà porté des préjugés par rapport à une autre ethnie, culture, genre, etc...

  • Est-ce que j'ai déjà eu une pensée ou une parole discriminatoire ? Suis-je curieux envers-moi-même ?

    (si vous dites non - creusez plus !)

  • Qu'est-ce que j'ai vécu qui me donne cette opinion ?

  • Suis-je courageux et bienveillant lorsque j'entends un commentaire raciste autour de moi ?

  • Y-a-t-il une action que je peux faire pour avancer dans mon apprentissage évolution face aux biais inconscients ?

  • Quelle lecture ou organisme peut m'aider ?

Pourquoi ces questions ? Pour évoluer individuellement et collectivement

Notre culture collective et individuelle a été forgée par des siècles de séparation, de domination et de division des humains en catégories et en importance. La division, l'esclavage, la guerre étaient « normales » anciennement. Ce qui veut dire qu'il faut toujours questionner le "normal" du présent. Par exemple, est-ce normal que 30% de la population carcérale du Canada soit des autochtones alors qu'ils ne représentent que 5% de la population totale ? Cela est le "normal" qui est accepté en ce moment et qui provient d'un racisme systémique profond. Voulons-nous nous continuer dans le statu quo?

Il est temps d'arrêter d'accepter cette "normale" et adresser le racisme systémique...et pour le faire dès maintenant, chacun à sa manière et sa portée, commençons par être curieux de nos propres pensées et habitudes. En transformant votre personne et votre entourage vous contribuerez à changer les société, la culture et les institutions..il n'y a pas de petite action. Le changement commence par moi, toi, nous...et avec de la curiosité, de l'humilité et de la compassion pour soi-même et pour les autres, nous avançons vers une société plus consciente et bienveillante pour toute cette merveilleuse diversité humaine dont nous faisons partie !

Lecture fortement suggérée : Vivre la Diversité de Shakil Choudhury ( Toronto, 2021 )

blog : www.culturedempathie.org

Colin Perreault est est bachelier en éducation (histoire et géographie), activiste, écologiste, éducateur, jardinier, père et conjoint. Colin étudie et partage la nonviolence comme façon de vivre dans son travail dans le communautaire, le monde de l'éducation, auprès des jeunes et dans ses accompagnements et ses formations.  Il s'implique activement pour ouvrir des dialogues et travaille à l'émergence d'une Culture d'Empathie où toute formes de vie sont respectées. Il travaille aussi comme intervenant communautaire auprès des jeunes et de personnes vivant avec un handicap et aussi comme organisateur communautaire (jeunesse, immigration, prévention exploitation sexuelle). Colin s'implique aussi activement dans des projets pour la biodiversité pour protéger notre seule maison, notre mère Terre. Partout et à travers les mandats et projets, son objectif; aider à ce que la prochaine culture de l'humanité soit celle de la Culture d'Empathie et de nonviolence.


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Si vous avez lu ce texte au complet - Je vous salue vous êtes en processus !

Note: je vous invite à utiliser les ressources suivantes pour mieux connaître notre histoire et notre bagage culturel de société:

Visitez www.culturedempathie.org pour des textes, podcasts et formations. Dont la formation; Curiosité, Considération, Connexion – Construire une Culture d'Empathie dans ma communauté.

- QcHistoryXtours.ca

- Fugitifs.ca

- exercice des couvertures  (décolonisation)

- en anglais - Avoir des dialogues difficiles sur le racisme - David Campt - ci-dessous

 voici la version plus longue de ce texte de 2021

Merci à François, M-E et Geneviève pour l'aide à la rédaction !



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